Concours de Strasbourg - 4 et 5 juin 1910
« Parmi
les 250 concours auxquels il m’a été donné d’assister, le concours de
Strasbourg fut pour moi, sans conteste, le plus riche en émotions et en
péripéties diverses. Il est celui qui m’a laissé le plus durable et le plus
grandiose souvenir.
Banni de ma
Patrie, de 1876 à 1903, je lui dois mon premier contact officiel avec mes
chères Sociétés alsaciennes avec lesquelles je n’avais eu jusqu’alors que des
relations épistolaires très espacées, sauf avec la Fanfare Sellenick-Vogesia,
qui a été le berceau de ma carrière et avec laquelle j’ai entretenu une
correspondance plus suivie.
Invité par
la Fédération des Sociétés musicales d’Alsace et de Lorraine, laquelle dut
passer sous les Fourches Caudines de l’Administration allemande et consentir,
afin de contre-balancer ma venue, à admettre au sein du Jury quelques chefs de
musique militaires de la garnison, je fus reçu par mes compatriotes avec la
plus affectueuse cordialité.
Les
« Kapellmeister » MM. Dietrich, du 136e Régiment d’Infanterie ;
Goersch, du Bataillon de Pionniers N° 19 ; Ruhmann, du Régiment
d’Artillerie à pied N°14 ; Schaeffer, du Batallon de Pionniers N°15 ;
Schulz, du Régiment d’Artillerie à pied N°10 et Schütt, du 126e Régiment
d’Infanterie, dont la raideur teutonne était proverbiale, durent, afin de se
mettre au diapason, se montrer courtois vis-à-vis de moi. Ils s’acquittèrent de
cette tâche, quelque peu chatouilleuse pour leur orgueil national, avec
infiniment de tact. Ils mirent même beaucoup d’empressement à solliciter du
Comité organisateur de simples strapontins, afin d’assister au Concert donné à
l’issue du banquet qui eut lieu à 1 heure dans les salons de l’Hôtel de
l’Union.
…..
A 3 h ½ sous
l’immense hall de l’ancienne gare, merveilleusement décoré pour la circonstance
par l’artiste qu’est Charles Mann, eut lieu un grand Concert de gala.
Ce fut une
audition de grand style, à laquelle seules les Sociétés de premier plan des
Divisions d’Excellence et Supérieure avaient été conviées.
Plus de 5
000 personnes emplirent la vaste salle. Au premier rang des fauteuils prirent
place, entourant la Municipalité, les Membres du Comité et leur famille.
Le Concert
débutait par Kellermann3, exécuté par toutes les Sociétés présentes, sous la
direction du Componist, Frédéric Sali, ainsi que l’indiquait le programme.
Je dois
avouer qu’au moment de monter sur l’estrade pour diriger mon morceau, mon cœur
battait à tout rompre, car c’était la première fois, après un exil de 28 ans,
que j’avais à me mettre en évidence dans ma ville natale.
…..
Mais voici
que ces Sociétés, auxquelles se joignent toutes celles ayant pris part au
concours, se massent pour le défilé avec une précision toute militaire et un
ordre parfait dont elles ne se départirent pas un seul instant pendant le long
parcours qu’elles eurent à accomplir.
Le cortège,
à la tête duquel se plaça La Vogesia, suivie en landaux par les membres du
Comité, se déroula majestueusement et sans aucun intérêt, à travers une foule
compacte, mais extrêmement disciplinée, ne dépassant pas d’un centimètre la
bordure du trottoir qui lui était assignée comme limite par l’autorité
supérieure (et elle ne plaisantait pas, la bougresse !)
Assis dans
un élégant landau à côté de mon vieil ami d’enfance, Alb. Haeberlé, Président
de La Vogesia, redevenue à la libération Fanfare Sellenick, je pus constater à
mon aise la remarquable organisation de ce défilé où chaque Société conserva
d’une façon impeccable et sa distance et son alignement.
Sous une
avalanche de bouquets de fleurs lancés de toutes les fenêtres situées sur le
parcours, le splendide cortège gagna l’ancienne Préfecture du Bas-Rhin, demeure
opulente et princière du seigneur et maître du moment, le Comte de Wedel, alors
Statthalter d’Alsace-Lorraine.
Là, mon
Kellermann fut de nouveau à l’honneur, mais la cérémonie ayant pris un
caractère officiel, je dus céder la baguette à mon excellent camarade X.
Schmitt, l’organisateur émérite de ce fastueux concours ».
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